BARDOT ET LES MONSTRES

Nelly Barad

25 avril 2020

© En cas de malheur, Claude Autant-Lara (1958), Cinédis

1957, Bardot a 23 ans quand Claude Autant-Lara lui confie le rôle d’Yvette Maudet dans son film En cas de malheur. L’actrice endosse le rôle d’une belle voleuse immorale qui séduit son avocat, quinquagénaire respectable et irréprochable. Peu d’acteurs sont candidats, tous craignent de rester dans l’ombre de l’actrice, alors au sommet de sa beauté. Le producteur Raoul Lévy se tourne alors vers Jean Gabin. Mais le scénario lui déplait : « « Eh ben, c’est du propre. Un avocat qui couche avec une gamine doublée d’une voleuse et d’une roulure. » Et Bardot l’insupporte : « Quoi ? Cette chose qui se promène toute nue ! C’est une plaisanterie.« 

C’était plutôt mal parti … !

Deux mois plus tard, l’acteur accepte, convaincu par la qualité de ce récit tiré d’un roman de Simenon. Claude Autant-Lara, lui, tend le dos : comment va se dérouler le tournage de la scène où Bardot, remontant sa jupe sur le compas de ses jambes parfaites, s’appuie nonchalamment sur le bureau de l’avocat et dévoile son intimité, enchaînant à jamais l’homme de loi.  Mais c’est finalement l’actrice, impressionnée par la présence du monstre sacré du cinéma, qui bafouille et oublie les deux phrases qu’elle a à prononcer. Bon prince, par galanterie, Gabin feint d’être victime du même bégaiement. Amoureux de la beauté des femmes, il lui glisse par la suite à l’oreille : « Mademoiselle, j’aime les femmes belles et grandes. Vous l’êtes, donc je vous aime…« 

A sa sortie, le film connaît un beau succès : plus de 3 millions de spectateurs !  A Bardot, attristée par les commentaires choqués des âmes vertueuses qui qualifient le film « d’obscène », Gabon conseille :

 « Laisse-les dire. Ils construisent ton mythe…« 

© Boulevard du rhum, Robert Enrico (1971), Gaumont

Quatorze ans plus tard, Bardot joue également pour la première fois avec une autre grande figure masculine du cinéma français, Lino Ventura, dans Boulevard du Rhum, de Robert Enrico.

Nous sommes en 1920 aux Etats-Unis, pendant la prohibition. Le cargo chargé de rhum du capitaine Cornélius (Ventura) est coulé par les garde-côtes. L’homme parvient à s’échapper mais, après quelques aventures, sa vie bascule : il tombe raide amoureux une actrice du muet dans un cinéma (Bardot). Il parvient à la rencontrer et il s’ensuit une histoire d’amour entre la comédienne et le marin, romance accompagnée d’une cascade de péripéties.

Peu de succès pour ce film presque oublié… La plus belle victoire reste cependant celle de Bardot sur Ventura ! Peu amène pendant le tournage, l’acteur ne communique pas, il n’adresse la parole à personne et ne s’attarde pas après les prises.

Mais Brigitte a plus d’un tour dans son sac :

« Au travers des petits plats et jeux de cartes, je suis arrivée à approcher un peu ce gourmet déçu. J’ai apprivoisé cet ours mal léché mais au fond de lui-même aussi adorable que vulnérable. Un peu comme Gabin, ce Lino était insondable !

Dans son contrat pour le film, il était précisé « aucune scène d’amour, aucun baiser » (…) Comme les distractions étaient rares à Alméria et que Lino ne pensait qu’à bouffer, j’ai découvert grâce à lui deux ou trois petits troquets où la bouffe était moins dégueulasse que dans les autres. »

Comme quoi, chacun a son point faible….

© Boulevard du rhum, Robert Enrico (1971), Gaumont

Nelly Barad

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