Alain Cavalier
6 septembre 2020
Interstellar, Christopher Nolan (2014)
Quand on parle de cinéma, on oppose très souvent, pour ne pas dire systématiquement, les notions de blockbuster et de cinéma d’auteur. Il y aurait par conséquent deux types de cinémas, et donc deux types de spectateurs : ceux qui ne jurent que par le divertissement pur et dur, et ceux qui ont une approche plus intellectuelle du média, comme si l’un est l’autre de ces aspects étaient incompatibles entre eux.
Cette binarité, aussi arbitraire soit-elle, se vérifie presque chaque jour. Avec les réseaux sociaux, tout le monde a la possibilité de confronter son avis à celui des autres, et l’on constate bien souvent des critiques qui dénoncent un film « trop débile » ou « trop chiant », là où d’autres diront qu’il s’agit d’un film « jouissif et décomplexé » ou « profond et philosophique ». Les partisans des deux camps brandissent alors la bannière du « vrai Cinéma » comme argument de choc. Il serait a priori impossible d’aimer les films de David Lynch et ceux de Michael Bay simultanément. Il faut choisir !
Il est bon de rappeler que si le Cinéma n’a plus à prouver sa qualité d’Art, il est avant tout né en tant qu’industrie. Le label 7ème Art ayant vu le jour dans les années 20, le Cinéma était avant cela considéré comme un spectacle forain dont la seule ambition était d’offrir du divertissement. Certains cinéastes du début du siècle dernier, comme Jean Comandon, médecin qui réalisait des films afin d’instruire ses élèves et qui a notamment inventé la microphotographie, se sont vus ridiculisés par leurs pairs pour s’adonner à une pratique aussi peu sérieuse que le Cinéma pour en faire autre chose qu’un objet de divertissement. Oui, le débat faisait déjà rage à cette époque.
Le terme de blockbuster, ou superproduction dans la langue de Molière, est né aux Etats-Unis dans les années 50 avec le Nouvel Hollywood. La télévision ayant fait baisser drastiquement la fréquentation des salles de projection, l’industrie cinématographique américaine investit énormément pour rendre le Cinéma plus attractif que son concurrent télévisuel. La suite vous la connaissez. Les blockbusters sont des films familiaux ou tout public à gros budget, misant grandement dans leurs castings, effets spéciaux, et campagne publicitaire, dans le but précis de gagner encore plus d’argent. Dépenser plus pour rapporter plus.
La notion de cinéma d’auteur, quant à elle, voit le jour en France, avec la Nouvelle Vague, dans les années 50 également (coïncidence ?). Le mouvement veut briser l’académisme du cinéma français en s’inspirant de certains réalisateurs américains, comme Alfred Hitchcock. François Truffaut évoque en 1955 la politique des auteurs, qui consiste à analyser un film comme une continuité esthétique au sein de la filmographie d’un cinéaste et non comme une œuvre à part entière. Ainsi, un film d’auteur est avant tout animé par une pulsion artistique, et le cinéaste tisse une toile au fur et à mesure de ses métrages.
Avengers : Endgame, Joe et Anthony Russo (2019)
Si le blockbuster est le meilleur représentant du cinéma dit industriel, le cinéma d’auteur est lui l’incarnation même du cinéma artistique. Pour autant, cela n’est pas si simple. On pourrait aisément créer un troisième parti en citant des noms tels que David Fincher (Seven, Fight Club), Quentin Tarantino (Kill Bill, Pulp Fiction) ou encore Christopher Nolan (Inception, Interstellar). Il est incontestable que ces derniers sont des auteurs à part entière, leurs films sont unis par un discours esthétique et thématique fort qui fait le bonheur des analystes. Néanmoins, chacune de leurs productions sont des films à gros budget qui comblent les salles de cinéma et rapportent énormément.
Si on s’intéresse un peu plus au cas de Christopher Nolan, l’on constate que ses films sont considérés comme étant ennuyeux et incompréhensibles par les adeptes du cinéma « popcorn », mais versant trop dans le spectaculaire hollywoodien et l’intellectualisation artificielle par les amoureux du cinéma d’auteurs. Néanmoins, les titres de Christopher Nolan remplissent tout autant les multiplexes que les salles d’arts et d’essais. Cette double étiquette permet de réunir une partie des deux publics et apparait comme le meilleur compromis.
Dans un certain sens, même Michael Bay (Bad Boys, Transformers) est un auteur. Bien qu’il soit l’incarnation de ce cinéma industriel, fonçant tête baissée dans le spectaculaire toujours plus grandiose, au détriment d’une finesse d’écriture et de mise en scène, ses long métrages se distinguent tout de même des autres films d’action car ils ont une patte immédiatement reconnaissable, si bien que son nom est dorénavant le mètre-étalon du genre.
Alain Cavalier
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